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mérite et d’un caractère original. Il a vécu dix ans en Angleterre, où il est devenu éperdument amoureux de la fille du lord Drymer : cette passion l’a rendu longtemps malheureux ; mais il était aimé et sa constance a vaincu tous les obstacles. Il est depuis cinq ans l’époux fortuné de lady Lucie ; elle a quitté Londres et sa famille pour venir habiter Savinie. J’ai passé la soirée d’hier avec elle ; sa beauté, son maintien noble et gracieux préviennent en sa faveur ; mais on cherche vainement dans l’expression de sa physionomie, cette vivacité qui fait le charme de nos figures françaises. On ne conçoit pas comment des yeux aussi froidement beaux peuvent inspirer la passion : cependant on ne peut douter de celle que lui inspira son mari. Je suis bien aise d’en avoir entendu parler avant de la voir ; car avec la manie que tu m’as si souvent reprochée, j’aurais bien certainement jugé d’elle comme de ce pauvre Delval que j’ai cru longtemps l’homme du monde le plus insensible. Madame de Varannes a trouvé mauvais que madame de Savinie ne se soit pas fait accompagner par son frère : il est depuis cinq mois chez elle où il vit en ermite. On a longtemps parlé de ce jeune homme ; mais comme il est très-probable que je ne le verrai jamais, il est inutile de t’en occuper. Voilà, ma chère amie, tout ce qui doit former notre société ce printemps. Je la trouve encore