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fortune de M. d’Estell, quand celle que je lui apportais était plus que suffisante à tous deux. Elle vit dans cette union un refuge assuré pour Caroline et Frédéric, si elle venait à mourir, et je veux la convaincre qu’en perdant son fils aîné, elle n’a rien perdu de ce qu’elle pouvait espérer pour ses autres enfants. Caroline a été élevée au couvent, elle est d’une figure agréable ; sa taille est élégante, ses manières douces, elle possède quelques talents, je lui crois de l’esprit ; mais je tremble qu’il n’ait souffert de son éducation. Il est presque impossible qu’une longue contrainte ne parvienne à altérer la franchise dans l’âme la plus sincère. Ce défaut peut se corriger ; elle n’a que seize ans, et je ne doute pas qu’elle ne soit par la suite une femme intéressante. Je connais peu Frédéric ; son frère m’en a souvent parlé comme d’un aimable fou ; il n’est pas en ce moment au château, sa mère le croit à son régiment ; mais Caroline m’a confié qu’il était à Paris : elle attend son retour avec la plus vive impatience. Le séjour de Varannes est, dit-elle, fort ennuyeux lorsqu’il n’y est pas, on ne sort plus, on ne voit personne. Quand il y revient, sa gaîté anime tout : je prévois que cette gaîté me sera insupportable.

Madame de Varannes est intimement liée avec M. le comte de Savinie, dont la terre est voisine de la sienne. C’est, dit-on, un homme du plus grand