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DERNIÈRE LETTRE DE JAMES À LAURE.


« Tu as juré de me haïr, Laure ! tu devais ce serment aux mânes de ton époux, à ton enfant… et ce n’est point pour te le reprocher que ton amant vient te parler encore !… dans peu il ne restera plus de lui que le souvenir de son crime, et que celui de l’ardent amour dont il brûla pour toi… l’un est lié à l’autre, ô ma Laure ! ne les sépare jamais. Le sentiment qui mêle un charme douloureux à l’horreur de te quitter, est trop pur pour ne pas mériter l’indulgence… Rappelle-toi qu’un instant tu crus James digne de ta tendresse, et qu’il ne meurt que pour l’avoir perdue… Je te l’avoue, mon adorable amie, si ta passion eût égalé la mienne, si par faiblesse ou par pitié tu m’avais conservé ton amour, il eût été pour moi l’air qui soutient la vie. J’aurais frémi de le profaner par de coupables désirs. Mais mon cœur s’en serait enivré ; chacune de ses pensées l’aurait porté vers toi ; tes peines, tes plaisirs eussent formé mon existence… heureux de vivre pour t’aimer, mes yeux n’auraient contemplé tes charmes qu’avec le respect dû à la divinité ; et le sacrifice de mon bonheur eût été payé par un seul de tes regards !… Mais… non…