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avait promis de vous proposer sa main, que madame de Gercourt l’avait assurée que la seule bienséance vous empêchait de déclarer votre tendresse pour lui, mais que bientôt il en obtiendrait l’aveu… Cette nouvelle fut pour moi un coup de foudre. Je revins à Savinie, la rage dans le cœur, et quand mes yeux tombèrent sur le présent que je vous destinais, un mouvement involontaire me porta à le jeter loin de moi… Je vous accusai dans le fond de mon âme, comme si vous aviez offensé mon amour. Bientôt j’eus honte de mon injustice ; le hasard m’offrit l’occasion de la réparer ; je voulus me justifier, je vis tes larmes… Ma raison s’égara, et je t’aurais avoué mon amour… si je n’avais eu la force de m’arracher d’auprès de toi.

« Depuis ce jour, victime de ma passion, sûr de ne parvenir jamais à la vaincre, je m’y abandonnai ; je savourai le délicieux plaisir de te voir, de t’entendre ; et si j’eusse moins respecté ton repos, ta vertu, je t’aurais dis cent fois que je t’idolâtrais… que rien ne pouvait séparer mon amour de ma vie… et que si le ciel opposait à mes vœux, mes serments et mon crime, je consentais à supporter le poids de sa vengeance, pour lire un instant mon bonheur dans tes yeux… Enivré du charme de ces idées, j’arrive chez toi… Que vois-je ? Ah, ciel ! l’image de Henri !… Henri, le front couvert de la pâleur mortelle que je vis sur ses