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nuit du jour où tu célébras par tes pleurs l’anniversaire de la mort de ton époux, j’escaladai les murs du parc, je traversai la petite rivière qui entoure l’île, tenant le billet de Henri et mon épée d’une main, tandis que je nageais de l’autre, et j’arrivai près du tombeau, l’âme remplie d’effroi. Je déposai en tremblant l’arme fatale et le billet. Puis levant les yeux au ciel, je fis le serment de ne point insulter l’ombre de ton époux par un amour coupable. « Ne crains pas, dis-je en m’adressant à elle, que je tente jamais d’affaiblir ton souvenir dans le cœur de Laure ! Si je pouvais un jour concevoir cette affreuse pensée, ce monument me rappellerait ta mort, mes serments et mon devoir. » Dans ce moment l’horloge sonna trois heures. C’était celle où ton époux rendit le dernier soupir… Je crus entendre sa voix… mon sang se glaça… et ce n’est que longtemps après que j’eus la force de revenir chez moi.

« Soulagé par la certitude d’avoir fait une promesse inviolable, et désirant plus que jamais d’éteindre ma passion, je formai le projet de servir celle de Frédéric, j’engageai Lucie à plaider aussi sa cause ; mais elle me dit que ce serait inutilement, je m’en félicitai en rougissant de ma faiblesse. Le même soir j’eus le courage de te parler de Frédéric, de son amour ; en m’écoutant tu paraissais émue, j’en pleurais de désespoir. Peu de temps après, ma sœur tomba malade ;