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qu’il était aimé. Je sentis s’affaiblir l’amitié que je lui portais, et j’osai vous trouver coupable de répondre à sa tendresse. La raison m’ordonnait de m’éloigner de vous. Je voulus retourner en Angleterre, vous arracher de ma pensée… C’est toi qui me retins dans ces lieux, c’est toi qui m’as forcé de t’adorer tous les jours davantage… Comment n’as-tu pas lu dans mes yeux le feu qui me dévorait ?… Comment n’as-tu pas prévu qu’en restant près de toi, il finirait par consumer ma vie ? Mais tu prenais mon accablement pour de l’indifférence ; et c’est en injuriant ton amant que tu l’as livré à tout l’excès d’une passion, qu’il n’est plus en son pouvoir de combattre.

« J’obéis à mon amour, en suivant ta volonté ; mais effrayé des progrès qu’il faisait dans mon cœur, et des obstacles qui s’y opposaient, je tentai un dernier effort sur moi-même, en élevant un monument à mon repentir, en y déposant ce qui devait attester mon crime, et m’ôter tout espoir de bonheur. C’est moi qui inspirai à Frédéric l’idée de joindre un témoignage de ses regrets au tombeau que tu venais d’élever à Henri. Je le priai de me charger de ce pénible soin. Après avoir fait construire une colonne en marbre noir, j’obtins d’un ouvrier qu’il en creuserait la base, la doublerait en fer, et l’arrangerait de façon à ce qu’on pût l’ouvrir. Quand tout fut exécuté selon mes désirs, Frédéric la fit poser dans l’île ; et la même