Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primer. Unique héritier d’une famille illustre par les services qu’elle a rendus à l’état, et par l’ancienneté de son nom, je fus élevé pour remplacer mon père dans les charges importantes qu’il occupe à la cour. On m’instruisit dans toutes les connaissances utiles à un homme destiné aux grands emplois. Ma mère aimait les arts, et me les fit cultiver ; mais on me laissa ignorer les moyens de vaincre mes passions ; quelques actions justes et bienfaisantes firent présumer que mon cœur était bon, et mon père poussa l’aveuglement jusqu’à donner les noms de bravoure et d’audace aux sentiments fougueux qui me rendaient souvent aussi ridicule qu’intraitable. C’est à cette faiblesse qu’il faut attribuer les chagrins que je lui ai causés, et le malheur de ma vie.

À l’âge de vingt-trois ans, je me liai intimement avec un de nos philosophes anglais, dont les jours étaient consacrés à l’étude ; mon père l’avait connu dans un de ses voyages ; il l’estimait, et voyait avec plaisir qu’il s’intéressait à moi ; il m’envoya passer un été avec lui ; et ce fut dans ce temps que je pris le goût de la solitude. Mon ami me l’inspira par son exemple ; sa fortune lui aurait permis de vivre dans le grand monde ; mais il préférait le repos à l’éclat, et les plaisirs d’une Vie douce aux tourments d’une perpétuelle agitation. Bientôt je partageai son mépris pour les grandeurs, sa philantropie, et je crus