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regarder sans pitié la victime d’un emportement, que lui-même n’aurait pas su vaincre. Il le plaignait, lui parlait de son amitié, et n’osait prononcer le nom de Laure, dans la crainte d’accroître ses tourments, et de diminuer, par le souvenir de leur rivalité, l’intérêt qu’il prenait à sa douleur.

Lucie joignait ses prières aux siennes pour conjurer James de calmer son agitation, en recevant les consolations qu’ils s’empressaient de lui offrir. Tous deux tâchaient surtout de le distraire des funestes projets qui semblaient l’occuper. Mais son cœur, déchiré par la souffrance, était insensible au baume qu’ils versaient sur ses blessures. Semblable à l’infortuné qu’une maladie douloureuse et mortelle va conduire au tombeau, et qui, désirant épargner à ses amis l’horreur de ses derniers moments, reçoit en souriant les secours inutiles qu’ils viennent lui offrir. Ainsi James accueille avec reconnaissance les soins de Frédéric et de Lucie ; pour mieux les persuader de sa résignation et de son calme, il leur demande quelques moments de solitude. Il veut, dit-il, écrire une lettre importante ; mais craignant de le livrer à lui-même, ils refusent de s’éloigner, et c’est devant eux qu’il trace cet écrit, dont le souvenir arrache encore des larmes.

Laure, l’infortunée Laure n’est pas moins à plaindre que lui, et se voit contrainte de dissimuler ses