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— Tu m’aimes donc, lui dis-je ; pourquoi m’avoir caché le secret de ton cœur ?…

— Pourquoi ! reprit-il avec fureur, pour tenir mon serment… pour te laisser ignorer qu’un monstre t’adorait… oui, ajouta-t-il, d’un air égaré, tu vois devant tes yeux, la cause de tous tes malheurs… l’ennemi de toute ta famille… celui que tu dois haïr et mépriser… ton enfant même est sa victime, et la vengeance et le devoir t’ordonnent de conduire son bras pour me percer le sein… mais, non, n’écoute point cet exécrable aveu, il m’enlèverait ton amour… il m’ôterait la vie… viens, approche de mon cœur, pour en chasser un horrible souvenir ; dis-moi qu’il est purifié par le feu dont il brûle !… que l’amant de Laure n’est pas sans vertus, puisqu’il a su lui plaire…

Effrayée par l’accent de son désespoir je me penchai vers lui pour essuyer ses larmes, et je posai sa main sur mon cœur, sans pouvoir proférer une seule parole : hélas ! je respirais à peine !…

— Ranime-toi, dit-il, partage mes transports.

À ces mots je reçus un baiser de ses lèvres brûlantes, puis tout à coup me repoussant avec horreur !

— Je mourrai digne de toi, s’écria-t-il, je ne souillerai point ta vertu… mon idole sera respectée par son adorateur ; et s’il faut que je descende dans la tombe en emportant ta haine, ton estime m’y sui-