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elle est une suite naturelle des fatigues qui m’ont accablée depuis quelques jours… je vais me reposer… dans peu je serai en état de continuer cette lettre, et de répondre à la tienne… j’ai besoin de la relire… je ne me souviens pas de ce qu’elle contient… je n’ai plus une idée…


À 6 heures…

M. Billing sort de chez moi… il accompagne James à Londres… et leur départ est fixé à demain matin… Demain nous serons séparés pour jamais… il me semble que ce malheur doit être le dernier pour moi. Crois-tu, Juliette, que je puisse exister sans lui ?… Oh ! mon Emma, pardonne-moi cette affreuse pensée !… quel est donc l’ascendant de ce fatal amour, s’il peut inspirer un instant à l’âme d’une mère le barbare projet d’abandonner son enfant !… mais tout sentiment de vertu n’est pas éteint dans mon cœur… le souvenir de Henri y règne encore… je vivrai pour sa fille ; je vivrai pour me punir de lui avoir préféré un ingrat !… et si mes forces n’égalent pas mon courage, c’est toi qui me remplaceras près d’elle, c’est toi qui lui diras : « Ta mère avait juré de te consacrer sa vie, le ciel n’a pas voulu la prolonger ; mais si son âme lui survit, la mort n’aura rien changé à sa tendresse pour toi !… »

Adieu, je ne puis achever…