Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute l’inconséquence, mais il faut que votre franchise me tire de l’horrible état où je suis.

— Que voulez-vous ? lui demandai-je avec effroi.

— Je veux, reprit-il, que vous m’ôtiez tout espoir en m’avouant que sir James vous aime, et que vous répondez à son amour… je veux être convaincu de la fausseté de son âme, et aller l’accabler des reproches dûs à sa perfidie… Il savait que je vous adorais ; et après m’avoir juré de ne jamais former le projet de s’unir à vous, le cruel n’a pas craint de m’arracher votre cœur !… tout à l’heure il sortait de chez vous. Je l’ai rencontré… Son regard m’a fait frémir… il m’a fui, et je ne sais si c’est pour me cacher son ivresse ou son désespoir.

Cet indigne soupçon me rendit mes forces, et reprenant ma fierté :

— Qui vous a donné le droit, lui dis-je, de m’insulter ainsi ? pour ne pas répondre à votre amour ! Dois-je vous rendre compte de tous les sentiments de mon âme ? non, monsieur, un homme capable d’un semblable procédé n’est pas digne de ma confiance ; mais je veux bien vous éviter un nouveau tort, en vous jurant que jamais sir James ne m’a déclaré la passion que vous lui supposez ; qu’il est digne de votre amitié, et qu’il vous a tenu sa parole.

À cette dernière pensée je fondis en larmes ; Frédéric se jeta à mes pieds.