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dant pas la somme que je possédais, je voulus la déposer entre ses mains ; mais il hésita de la prendre et me questionna sur les motifs qui m’engageaient à quitter la France. Je lui répondis qu’ayant un parent à St-Domingue, mes intérêts m’y conduisaient ; que mon état étant celui d’une ouvrière, j’avais amassé la somme que je lui déposais, dans l’intention de subvenir aux frais de mon voyage. Il refusa néanmoins de l’accepter, en me disant que je m’acquitterais à mon arrivée :

« — D’ailleurs, ajouta-t-il, si vous travaillez bien, je vous recommanderai à ma femme qui pourra vous prendre à son service. »

Sans considérer ce qu’il y avait d’humiliant pour moi dans cette offre, je l’en remerciai. Il m’inscrivit sur sa liste sous le nom de Thérèse ; et après avoir fait l’emplette d’un petit trousseau, je revins à bord du navire. Le lendemain de ce jour, le capitaine me fit appeler sous prétexte de me demander mon passeport ; j’allais lui avouer que je n’en avais pas, lorsqu’en passant sur le pont j’aperçus sir James, conversant avec lui, sur le bord de la jetée. Je fis un cri involontaire, il se retourna, me vit, et s’éloigna aussitôt. Dans ce moment le capitaine vint à moi, et m’apprit que les vents le forçaient à retarder son départ de deux jours ; il me vint à l’idée que sir James était peut-être chargé par ma famille de me faire