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composée de sa femme et de ses deux filles, est aussi respectable que lui ; il habite une ferme considérable, et sa fortune lui permet de vivre dans une agréable aisance. Je pense que dans toute sa maison il aura bien un petit logement de libre, et je suis sûr qu’il me le cédera avec plaisir ; je lui dirai que je le destine à une jeune femme, dont les malheurs et le caractère sont également intéressants ; et je reviendrai promptement vous rendre compte du succès de mon entreprise.

Nous le remerciâmes de son empressement ; bientôt après il passa dans une voiture et je restai seule avec Caroline.

Lorsqu’elle fut un peu revenue de son trouble, je tentai de la distraire par quelques mots étrangers à sa situation ; mais elle me prouva que le malheur est comme l’amour, il n’a qu’une idée ; on le fatigue en voulant le distraire, on n’adoucit ses peines qu’en mêlant ses pleurs aux siens. Persuadée de cette vérité, je lui parlai de ce qui l’occupait uniquement, et c’est dans cette conversation qu’elle me fit le récit que je vais te rapporter.

Quand M. de Cérignan arriva au château, me dit-elle, vous savez de quel sentiment mon cœur était rempli ; et je vous dois l’aveu de toutes les pensées injurieuses qui vinrent contre vous, ma sœur, pour me punir d’avoir pu les concevoir. Je crus m’aper-