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Cette phrase plus polie que sentimentale, m’a convaincue qu’il ne me parlait plus qu’avec son esprit. J’allais y répondre lorsque Lucie et M. Bomard sont entrés ; ce dernier a été à sir James, lui a serré la main, et tous deux ont exprimé franchement la satisfaction qu’ils avaient de se revoir ; enfin, me disais-je en les considérant, tout le monde aura reçu de lui un accueil agréable ; Laure est la seule qu’il ait traitée avec froideur !… Cette idée augmenta ma tristesse, et Lucie me reprocha de n’être pas plus gaie au retour de son frère. C’est à lui qu’il fallait adresser ce reproche ! C’est lui qu’il fallait accuser de ma peine ! Un de ses regards en eût sitôt adouci l’amertume !… Mais ils fuyaient les miens, et quand parfois ils se rencontraient, c’était pour me laisser lire dans ses yeux toute son indifférence.

M. Bomard a passé cette journée avec nous ; et le soir, après que les enfants ont été couchés, il m’a dit :

— Il faut, aimable Laure, que vous me fassiez goûter un plaisir que je n’ai pas encore osé vous demander. Tout vieux que je suis, j’aime la musique à la folie, et je vous conjure de me faire entendre celle que l’on vous a envoyée de Paris !

Tu sais, Juliette que je n’aime pas à me faire prier, je dis au bon curé qu’après souper il viendrait dans mon appartement, et que je lui jouerais sur le piano ou sur la harpe tout ce qui pourrait l’amuser.