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n’oubliera jamais le présent qu’il vient d’en recevoir ; l’image qu’elle a tracée est unie à la sienne, et toutes deux sont gravées dans mon cœur.

En disant ces mots, il prit ma main, la porta à ses lèvres, et me fit éprouver une sensation si nouvelle, que j’en frémis.

— Laure, qu’avez-vous ? me dit-il, en me regardant d’un air égaré, serait-il possible ! …

Il n’acheva pas. Lucie croyant que je me trouvais mal, vint à moi pour me faire respirer quelques sels, et cette action m’ayant rappelée à moi-même, j’inventai quelques prétextes pour la tromper sur le véritable motif de mon émotion ; je crois y être parvenue. Mais, James, que voulait-il dire quand il s’est interrompu ? m’aurait-il devinée !… partagerait-il le sentiment ?… Ah ! Juliette, viens à mon secours ; je sens qu’à cette idée toutes mes forces s’évanouissent. Dis-moi que je m’abuse, qu’il ne m’aime point et que son cœur ne peut plus se livrer à l’amour ; j’ai besoin de m’entendre répéter ces vérités cruelles, pour ne pas m’abandonner au charme qui m’entraîne, car je t’avoue, en rougissant, que je puise tout mon courage dans son indifférence ; un mot de lui a le pouvoir de changer ma pensée ; un seul de ses regards dispose de ma volonté, et quand ses yeux me peignent la froideur, tout me paraît inanimé dans la nature !… Me voilà donc en proie à