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comme il achevait de m’en instruire. Il est entré chez Lucie et je suis allée dans la chambre de ma fille, je l’ai trouvée moins agitée que ce matin ; elle s’est endormie peu de temps après m’avoir embrassée, et je ne l’ai quittée que pour t’écrire. Il faut que je retourne au salon, car Lucie m’en voudrait d’avoir passé une si grande partie de la journée loin d’elle. J’espère que Frédéric sera parti ; au reste, qu’il le soit ou non, je ne compte pas plus lui parler qu’à sir James.

Remarque un peu, ma Juliette, l’étrange position où je me trouve. Voici deux hommes que je ne dois pas aimer, et qui se trompent mutuellement sur le penchant qu’ils me supposent ; l’un, jugeant sur les apparences, me croit sensible à l’amour que j’inspire, et l’autre, plus excusable sûrement, puisque la passion l’égaré, devient jaloux par instinct. Blâmée de tous deux, je finirai peut-être par leur sembler moins estimable, sans avoir rien fait qui dût m’attirer cette disgrâce. N’importe, je me conduirai d’après mon cœur ; je conserverai ton estime et la mienne, c’est autant qu’il en faut à ma tranquillité.