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cats et sensibles, qui valent toutes les saillies de la malignité. Je n’eus pas plutôt fait cet éloge que je m’en repentis. L’abbé l’écouta avec impatience ; madame de Gercourt en sourit, et au bout d’un moment je les vis chuchoter de manière à me persuader qu’ils me tournaient en ridicule ; choquée de cette impertinence, j’ai pris congé de ma belle-mère, et suis sortie sans dire un mot d’adieu à personne. Frédéric est venu me reconduire. « Ne croyez pas, m’a-t-il dit en chemin, que je partage l’opinion de l’abbé sur sir James ; je l’estime ; autrefois je l’aimais, mais il dépend de vous de me le faire haïr. Si vous lui accordez plus de confiance qu’à moi, s’il vous fait oublier Frédéric, vous me rendrez ingrat envers lui, et je serai alors aussi coupable que malheureux. » Ce discours m’a jetée dans un trouble inconcevable, je n’ai répondu que par des mots entrecoupés : préférer un étranger au frère de Henri !… Ne pas être sensible à votre amitié !… et plusieurs phrases de ce genre, aussi peu suivies que sincères. J’avais projeté de lui parler de l’histoire du billet ; mais il n’aurait vu dans mon reproche qu’une raison de plus de croire à ma préférence pour sir James ; d’ailleurs, ce nom seul me causait tant d’émotion, qu’un plus long entretien sur son compte m’aurait sûrement trahie. J’ai rompu la conversation en questionnant Frédéric sur ses projets militaires, et nous sommes arrivés à Savinie