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cette intention, je m’approchai de lui pour lui faire cette question.

— Qui sait, me répondit-il, si ce bonheur doit durer longtemps !

— Il faut espérer, lui dis-je ; Julien et Jeannette s’aiment tendrement ; vous venez d’assurer à jamais le repos de leur existence, et tout se réunit pour leur présager un avenir heureux.

— Un avenir heureux ! répéta-t-il : ah ! que cet espoir est trompeur !.… Je les plains bien s’ils peuvent s’y livrer !… Le sort leur fera payer cher une illusion si douce ! Qui vous dit que cette jeune fille, dont la fidélité semble avoir pour garants l’innocence et l’amour ; qui vous assure, ajouta-t-il, qu’elle reste toujours aussi pure ? Entourée d’exemples de vertu, elle les imite tout naturellement ; mais si le hasard lui fait rencontrer une de ces créatures intéressées à corrompre cette innocence pour excuser leurs vices en les rendant communs, qui peut répondre qu’elle résistera au charme employé pour la séduire ? Ah ! Laure, tant que les hommes seront méchants, et les femmes faibles, il n’y aura jamais de félicité durable dans le monde !…

Je voulus essayer de combattre cette opinion, mais ce fut en vain. Cet homme est bien malheureux, ma Juliette, puisqu’il ne compte même pas sur la durée du bien qu’il fait !