Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses piquantes, que d’obligeants amis allèrent tout de suite répéter à Jeannette. Celle-ci furieuse de se voir à son tour dédaignée, conçut le projet de se venger, et sans réfléchir que sa vengeance retomberait aussi sur elle, elle alla trouver son père, lui dit qu’elle cédait aux sages raisons qu’il lui avait données, pour l’engager à accepter la main du fermier et qu’elle avait résolu de rompre avec Julien, s’étant aperçue que son caractère la rendrait sûrement malheureuse. Le père, enchanté de ce changement, l’accablait de caresses et lui répondit qu’il se chargeait d’arranger l’affaire pour le mieux. Peignez-vous le désespoir du pauvre Julien quand il apprit cette nouvelle. Il accourut sur l’instant chez Jeannette, elle n’y était pas ; espérant la trouver dans le parc, il se mit à l’arpenter en courant à toutes jambes. Il était si préoccupé de son malheur, qu’en passant dans une allée il heurta sir James et faillit se jeter par terre. Sir James le soutint, et remarquant son air égaré lui demanda ce qu’il lui arrivait.

— Ah ! milord, dit ce bon garçon, je suis un homme perdu : Jeannette ne veut plus de moi ; elle veut en épouser un autre. S’il faut qu’elle le fasse, j’irai me noyer.

Je ne vous dirai pas avec quelle compatissante bonté sir James calma son désespoir ; il rencontrait un malheureux, et vous savez d’avance tout ce qu’il