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mais un peu étourdie, ses parents l’ayant toujours laissée jouir d’une entière liberté ; sa volonté est souvent absolue, et quelquefois elle en fait un mauvais usage, comme vous allez en juger : le jour de la fête, on lui dit de cent manières qu’elle était jolie, qu’elle dansait à ravir, et qu’il était dommage que tant de charmes fussent enfouis dans un petit village, quand ils pourraient lui attirer l’admiration de toute une ville. Ces discours étaient plus que suffisants pour tourner la tête de notre étourdie ; aussi produisirent-ils tout l’effet qu’on en devait attendre. Elle se crut un moment dame ; en prit tous les airs, et traita avec mépris le pauvre Julien qui s’était permis de ne la pas quitter de la soirée pour lui parler plus souvent du bonheur dont ils allaient jouir après leur mariage, car ils étaient à la veille d’être fiancés. Le père de Jeannette aurait mieux aimé donner à sa fille un mari plus riche et particulièrement un fermier des environs, qui n’est pas jeune à la vérité, mais dont les possessions sont fort belles. Jeannette lui préféra Julien, et elle obtint de son père qu’il exaucerait les vœux de leur amour. Les choses en étaient là, quand Julien se vit quitté brusquement par elle, pour danser avec un élégant officier ; outré de cette injure, il se livra à son juste ressentiment, et dit qu’il serait bien fâché de lier son sort à celui d’une femme aussi coquette. Il ajouta à ce propos plusieurs cho-