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de le ramasser, je fixai les yeux dessus, et reconnus mon écriture, avant qu’il se soit précipité pour le prendre. Imagine toi l’impatience que j’éprouvais, en lui voyant serrer ce billet dans son sein avec tant d’empressement et d’un air si ému, qu’on devait croire que c’était une lettre amoureuse ! Ce mouvement fut remarqué de Lucie, de son frère ; il l’eût été de cent personnes tant il était ridicule. Tu devines dans quel embarras il me jeta, je demandai la permission de lire la lettre qu’il m’avait remise, je la décachetai, mais j’essayai en vain de la déchiffrer ; ma vue était troublée, et je souffrais trop de mon dépit, pour être en état de suivre deux idées. Je voulus dire quelques mots, faire une réponse à ma belle-mère, je m’embrouillai dans mon discours, au point de le rendre inintelligible. Frédéric paraissait jouir de cet embarras, et sir James me contemplait d’un air qui semblait dire : « Je me doutais de leur correspondance ». Lucie fut la seule qui ne chercha pas à augmenter mon tourment. Ah ! combien je lui suis reconnaissante de cette délicatesse, c’est ainsi que tu aurais fait ; mais conçois-tu cette fatuité de la part de Frédéric ? Car il n’est pas sincère dans son indiscrétion, le billet qu’il a de moi détruirait tous les soupçons qu’il veut faire naître, si on venait à le lire, et il est impossible qu’il y attache aucun prix, puisqu’il renferme ce qui doit le moins flatter son amour.