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prudent, froid, et qui cache sa tendresse sous des dehors réservés, essaie de prémunir sa fille contre ces exagérations mondaines ; il lui trace aussi la ligne de conduite qu’il voudrait lui voir tenir avec son cousin Alfred. Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, madame de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie :

« Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de madame de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort. Cette première remarque, jointe à celle d’une plus longue expérience, m’a convaincue que les femmes sont souvent plus compromises par la froide familiarité de celui qu’elles préfèrent, que par les soins empressés d’un amant passionné. La sécurité de l’un trahit leur faiblesse ; l’inquiétude de l’autre n’apprend que son amour. »

Voilà de ces remarques fines, comme madame Gay en avait beaucoup, la plume à la main. Quand elle causait, elle en avait aussi, mais elles disparaissaient au milieu de ce qu’il y avait de plus actif et de plus animé dans sa personne. On les retrouve plus distinctes quand on la lit.

Pourtant Léonie commence par se piquer d’honneur. Elle a entendu au passage madame de Rosbel la désigner du nom de petite pensionnaire : il n’en faut pas plus pour qu’elle en veuille à Alfred d’avoir souri à cette injure, et pour qu’elle débute avec lui par exiger une réparation. Alfred, auprès d’une si jolie cousine, ne demande pas mieux que de réparer ; une fois qu’il a le secret de ce dépit, il reprend aisément ses avantages. Il a l’air de sacrifier madame de Rosbel, et il croit à ce mo-