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regard méprisant, tant il est vrai que l’opinion d’une personne vertueuse a plus de prix pour une âme sensible, que l’approbation des gens les plus aimables. Ces derniers flattent l’amour-propre, et l’autre rassure le cœur en le rendant satisfait de lui-même. En sortant de l’appartement du curé, je montai dans le mien, j’aperçus en y entrant une corbeille de fleurs sur ma table, elle était remplie de tous les cadeaux qu’on offre ordinairement aux marraines ; mais ce qui fixa mon attention, ce fut un papier dans lequel se trouva une chaîne en or, émaillée de noir, faite pour servir de collier ; j’hésitai de la prendre, dans l’intention de ne pas l’accepter ; mais ayant lu sur le papier : « Ne refusez pas ce gage d’amitié, si vous craignez d’affliger Lucie et son frère. » Je m’en parai sur-le-champ, et je redescendis au salon. Le bal venait de commencer, il ne représentait pas une de ces assemblées brillantes dont l’éclat éblouit et le bruit fatigue, c’était une véritable fête champêtre ; la seule convenance séparait les dames des villageoises, et la sotte vanité n’entrait pour rien dans une distinction rarement observée. Je fus témoin d’une scène qui te prouvera cette égalité et la coquetterie dont une paysanne peut être susceptible.

Jeannette, la fille du concierge du château, est très-jolie ; comme elle danse avec une grâce naturelle qui l’a fait remarquer, elle fut invitée pour une