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homme doué de vos vertus, ne soit apprécié par personne. Vous n’avez pas le droit de douter ainsi de l’amitié de celles qui vous connaissent.

— Serait-il vrai, interrompit-il, vous, Laure ! vous prendriez quelque intérêt à mon sort ?

— Je ne suis pas la seule, lui ai-je dit ; n’avez-vous pas un ami et des parents qui vous sont attachés ?

— Non, s’écria-t-il, Laure et Lucie sont les seules que je puisse aimer ; mais vous, le modèle des perfections ! vous l’ange consolateur de tous les infortunés ! pourriez-vous regarder comme un frère celui que la fatalité condamne à d’éternels malheurs, et dont le caractère aigri par les chagrins, par les remords peut-être, est devenu méfiant, atrabilaire, et dénué de tout ce qui fait le charme d’une liaison intime ? Non ! vous devez me refuser une affection dont je ne suis pas digne.

En prononçant ces mots, des larmes coulaient de ses yeux ; j’en fus attendrie, il vit mon émotion, et dit avec chaleur :

— Voilà la première fois que je suis injuste envers le ciel ; j’excite votre pitié, je vous intéresse, Laure, et mes plaintes doivent cesser.

Dans cet instant le bon curé vint lui-même nous apprendre que Lucie était absolument hors de danger. Le médecin la trouvait si calme, qu’il avait ordonné une saignée pour faciliter son accouchement