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une lecture amusante, souvent interrompue par nos réflexions ; j’en fis une hier qui m’attira quelques malices de la part de Lucie. C’était à propos d’un chapitre de Tom-Jones.

— Ce qui me plaît dans ce roman, dis-je, c’est que le héros n’est pas un de ces modèles de perfection que les romanciers se plaisent ordinairement à peindre, et qui, n’étant point dans la nature, n’inspirent jamais qu’un faible intérêt.

— Je suis de votre avis, ma chère Laure, dit Lucie ; mais ne trouvez-vous pas que Frédéric a beaucoup de ressemblance avec le caractère de Tom-Jones ?

Je convins qu’en effet il avait quelques rapports, et repassant toutes les bonnes qualités de Frédéric, je finis, sans trop m’en apercevoir, par faire de lui un éloge très-pompeux. Lucie plaisanta sur ce qu’elle appelait mon enthousiasme ; elle ajouta en riant qu’il le méritait, et qu’avant peu elle lui en parlerait pour le mettre au comble de la joie.

— Gardez-vous-en bien, lui dis-je avec empressement !

— Pourquoi, reprit Lucie ?

— Pour ne pas trahir madame, interrompit sir James ; elle sait tout le prix que Frédéric attacherait à cette faveur, et elle a ses raisons pour la lui refuser.

— Et vous aussi, monsieur, vous me raillez ?