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tout leur courage pour les écouter, et font croire qu’ils les ont compris, pour s’éviter l’ennui de les entendre encore. On ne serait jamais dupe de cette innocente ruse, si l’on ne leur offrait que des exemples au lieu de préceptes ; il est incontestable que leur sensibilité est antérieure à leur intelligence ; ils ont des sentiments avant que d’avoir des idées, et lorsqu’on a bien développé et dirigé les premiers, les autres naissent justes tout naturellement.

Convaincue de cette vérité, je compose pour ma fille un simple recueil de toutes les bonnes actions dont le résultat a été heureux ; car il est essentiel qu’elle ignore l’ingratitude, avant d’avoir reconnu que le charme attaché au bienfait suffit pour en récompenser. Mes remarques tombent principalement sur les personnes qui l’entourent, afin qu’elle soit plus à portée de vérifier les faits ; et par cela même frappée des exemples. Je tâche d’y joindre celui d’une conduite irréprochable, et de lui inspirer, par mes soins et mon indulgence, une confiance sans bornes. Voilà, madame, le plan que vous désiriez connaître : il est bien au-dessous de l’idée que vous en aviez conçue, et pourtant je le crois suffisant au bonheur de ma fille.

Ce discours contrastait trop avec les grands principes de madame de Gercourt pour qu’elle y répondit ; je vis clairement qu’elle le désapprouvait, et que