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je craignais qu’elle ne fût malade. Je lui demandai si elle avait bien dormi la nuit dernière ? Elle m’avoua que sa bonne était restée près d’elle sans se coucher ; ensuite elle me dit que le matin à déjeuner elle avait jeté de colère sa tasse par la fenêtre, parce que Lise refusait de la remplir une seconde fois. À ces mots elle se mit à pleurer, en ajoutant : « Ah ! maman, je n’ai pas été sage, j’irai dans l’enfer ? » Je restai stupéfaite en entendant sortir ces paroles de la bouche d’un enfant de quatre ans, et je tentai vainement de diminuer l’impression que cette affreuse image de l’enfer venait de produire sur son esprit. Je ne pus y parvenir, le coup était porté, et j’employai seulement tout ce que la distraction m’offrait de ressources : je fis prier Frédéric de mener sa nièce à la promenade, et je profitai de ce moment pour reprocher à Lise d’avoir parlé à ma fille de choses, que je désirais lui laisser ignorer, jusqu’au jour où elle serait en état d’y attacher une idée juste ; elle me répondit :

— Je sais bien, madame, ce que vous m’avez recommandé à ce sujet, et ce n’est pas ma faute si l’on a effrayé cette pauvre petite au point de l’empêcher de fermer l’œil de la nuit. Hier je passais avec elle dans le grand corridor, la porte de l’appartement de madame de Gercourt était ouverte, elle appela Emma pour l’embrasser, lui donna des