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dont l’intolérance me révolte. Je ne sais comment accorder le ton mielleux, l’air modeste et sincère qu’il prend à volonté, avec l’impolitesse et l’emportement qu’il met à discuter. Parle-t-on de choses indifférentes, il sème la conversation de traits piquants, de citations heureuses, achève une phrase commencée par une autre, et lui laisse tout le succès du mot saillant qu’il vient d’y ajouter ; le plus faible du cercle est toujours celui qu’il protége ; et cette indulgence lui fait autant d’admirateurs que d’amis ; mais ose-t-on opposer une opinion à la sienne, ou paraît-on seulement douter du poids de ses raisonnements, alors ses yeux expriment la colère, son accent devient terrible ; et s’il perd l’espoir de vaincre ou d’intimider celui qu’il combat, sa fureur s’en augmente et finit souvent par l’entraîner au-delà de son but : il est facile de deviner que la retraite, l’étude et son esprit de calcul, n’ont pu diminuer la fougue de ses passions, au point de ne pas laisser entrevoir l’empire qu’elles ont sur lui. Je pense qu’il ne me pardonne pas d’avoir fait cette découverte, et qu’elle est probablement le seul motif de la haine dont il m’honore. C’est sans doute un fort grand malheur, mais je m’y résigne avec trop de facilité pour avoir le droit de m’en plaindre.

Je dois partir incessamment pour aller m’établir à Savinie ; là je suis bien sûre de passer quelques se-