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ait eu le temps de le faire remarquer ; enfin, ma Juliette, j’ai rencontré un prêtre qui est à la fois pieux, tolérant et bienfaisant. Les mots de jésuites, de jansénistes, ne sortent jamais de sa bouche ; il croit que la vertu chez tous les peuples conduit au bonheur, et qu’on n’est pas destiné à des supplices éternels, pour se tromper d’image en adorant un Dieu.

Tu t’imagines bien, mon amie, que je vais cultiver la société de cet homme précieux. Il est déjà venu me voir plusieurs fois ; et, comme il n’aime pas la grande société, je le reçois dans mon appartement. Croirais-tu bien qu’avec ses cheveux blancs il se prête aux jeux d’Emma, lui apprend, en jouant aux cartes, les lettres de l’alphabet ; et lui raconte des histoires où il y a toujours de petites filles que tout le monde aime à cause de leur douceur. Emma l’écoute avec une extrême attention ; et je remarque que ses petites colères sont moins fréquentes depuis les histoires du curé. L’habitude qu’il a toujours eue d’observer les enfants, a servi à lui apprendre quels sont les moyens les plus doux de les corriger, et son expérience me sera fort utile.

J’ai gauchement dit à madame de Varannes, devant sa société, une partie de ce que je viens de t’écrire sur M. Bomard (c’est le nom du curé), en l’écoutant, elle pensait comme moi ; mais l’abbé ayant avancé