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partager l’antipathie de madame de Gercourt « avec deux femmes d’un grand mérite, dont les opinions, dit-elle, ont quelque rapport avec les miennes. » Ces deux femmes sont, la première, madame de Staël ; et la seconde, je crois, madame de Flahaut. En contraste de madame de Gercourt et d’un abbé de sa connaissance, qui joue un fort vilain rôle dans le roman, l’auteur place un curé tolérant dans le genre de celui de Mélanie, plus occupé de la morale que du dogme : cette morale, il faut en convenir, à l’examiner de près, paraîtrait un peu relâchée, et madame de Genlis, si elle avait répondu, aurait pu prendre sa revanche.

Les scènes mélodramatiques de la fin et les airs de mélancolie répandus çà et là dans l’ouvrage sont la marque du temps ; ce qui est bien déjà à madame Gay, c’est le style net, courant et généralement pur, quelques remarques fines du premier volume ; par exemple, lorsque Laure dit qu’en se retirant du monde pour vivre à la campagne, partagée entre les familles des deux châteaux voisins, elle avait cru se soustraire aux soins, aux tracas, aux passions, et qu’elle ajoute : « Eh bien, mon amie, le monde est partout le même ; il n’y a que la différence d’une miniature à un tableau. »

Il y eut là une interruption dans la vie littéraire de madame Gay[1]. Mariée en secondes noces à M. Gay, qui devint receveur général du département de la Roër, elle habita durant près de dix ans tantôt à Aix-la-Chapelle, tantôt à Paris, et vécut pleinement de cette vie d’un monde alors si riche, si éclatant, si enivré. Elle nous a

  1. Ce roman de Laure d’Estell n’avait été écrit et publié par madame Gay que pour venir au secours d’un oncle et d’une tante, M. et Madame B… de L…, qui se trouvaient sans ressources en rentrant de l’émigration, et dans un temps où elle-même n’avait pas encore la fortune qu’elle eut depuis.