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vases renversés, le gazon foulé et des pas tracés du côté de l’île opposé au pont. Il a cru d’abord qu’on s’était introduit dans l’espérance de voler quelques-uns des vases précieux que vous avez fait venir de Paris ; mais s’étant assuré qu’il n’en manquait aucun, et réfléchissant qu’il était impossible de pénétrer dans l’île sans risquer de se noyer, la peur s’est emparée de lui ; il a dit qu’il fallait que tout ce dégât eût été fait par un esprit, et que madame lui donnerait dix louis par jour, pour prendre soin de l’entretien de cette île, qu’il n’y voudrait pas mettre les pieds. J’ai présumé que cette histoire si effrayante aurait une cause fort simple ; j’ai fait demander Pierre ; nous sommes allés ensemble dans l’île. Tout ce que m’avait dit Lise était vrai ; et sans partager les idées de Pierre, j’ai été aussi étonnée que lui. Je l’ai questionné sur les ouvriers qui avaient posé la colonne ; il m’a répondu que Frédéric avait dirigé lui-même leurs travaux, et que d’ailleurs ces gens pouvant s’adresser à lui pour entrer dans l’île, il n’était pas probable qu’ils eussent cherché à y pénétrer furtivement. Cette raison jointe à beaucoup d’autres, a confirmé Pierre dans ses soupçons. Tout ce que je lui ai dit ne l’a pas empoché de croire aux revenants, et son entêtement m’a prouvé que les raisonnements les plus justes ne pouvaient rien sur des têtes égarées par la superstition. Pierre ne s’exposerait pas à