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les siennes ; ils étaient tous deux plongés dans la tristesse ; Lucie avait encore les yeux noyés de larmes ; je lui ai représenté combien il était dangereux pour l’enfant qu’elle portait de se livrer autant à sa douleur ; j’ai obtenu d’elle qu’elle ne quitterait pas son lit de la journée, et qu’elle prendrait quelques boissons calmantes pour diminuer l’irritation de ses nerfs. Sir James s’est efforcé de paraître moins triste qu’à son ordinaire. Il a cherché tout ce qui pourrait distraire Lucie du départ de son mari ; nos enfants lui en ont fourni le moyen : il les a conduits vers nous, s’est prêté à leurs jeux, et le temps s’est ainsi écoulé, jusqu’au moment où j’ai parlé de me retirer. Il était tard, et Lucie ne voulant pas que je m’en allasse seule avec ma fille et sa bonne, m’a conjurée de permettre que son frère nous accompagnât ; elle a ajouté qu’il n’était pas prudent de traverser les bois de Savinie à cette heure, je lui ai fait observer que mes gens suffisaient pour me défendre ; mais sir James ayant insisté, en disant que je l’affligerais par mon refus, j’ai accepté son offre. Il a fait seller des chevaux pour son retour, et nous sommes montés en voiture. Il m’a demandé en route si l’absence de Frédéric devait se prolonger longtemps :

— Je ne crois pas, lui ai-je répondu ; c’est après demain l’anniversaire de la mort de son frère, et il ne manquera pas à venir déposer, avec nous, le