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Tournelle ; je vous l’avais bien dit que l’air de la campagne vous serait contraire.

— Merci d’un si aimable intérêt, répondit-elle, mais je ne suis point malade ; le séjour de Plaisance m’a été, je vous assure, très-bon jusqu’à présent ; seulement, ce matin, je me suis sentie un violent mal de tête…

— C’est cela, interrompit le duc de Richelieu, vous vous serez mise à la diète, vous n’aurez point dîné ?

— Précisément, reprit madame de la Tournelle.

— Ah ! tout m’est expliqué maintenant, dit le duc en riant. Pauvre Coigny, être né à la cour, et faire si gauchement une commission ! Ne pas deviner pourquoi on l’envoyait ici ! ne pas s’informer si vous y étiez encore ! Ab ! mon Dieu, quelle faute !

— En vérité, je ne comprends pas un mot de ce que vous dites.

— Je le crois bien, vraiment : je serais plus clair que vous ne m’entendriez pas davantage, préoccupée comme vous l’êtes ; cependant, c’est du roi dont je vous parle. Ab ! si vous aviez vu la tristesse qui s’est emparée de lui, quand son maladroit ambassadeur est venu lui dire que vous n’étiez point à table avec ces dames ! Savez-vous bien qu’à cette nouvelle il a manqué repartir sans visiter les serres de Plaisance ? Il vous croit envolée au seul bruit de son arrivée. Comme il va être agréablement surpris ! Je me réjouis d’avance delà joie qui va briller dans ses beaux yeux. Et vous ?

Le retentissement des fanfares, le hennissement des chevaux, le roulement rapide des équipages qui annonçaient le roi, dispensèrent madame de la Tournelle de l’embarras de répondre.

Ô bizarrerie du cœur ! Un instant avant, madame de la Tournelle avait manqué de s’évanouir à la seule pensée de se retrouver près de celui qu’elle avait fui si courageusement, et maintenant c’était bien lui, c’était le roi qu’elle allait voir, et son cœur n’était plus oppressé, elle ne tremblait plus. Un bonheur inconnu enivrait son âme, et ces craintes vaincues, ces résolutions oubliées, ces remords étouffés, c’était l’œuvre du plus grand des enchantements, de la certitude d’être aimée.