Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonnes qu’on estime le moins, pourvu qu’elles aient un rang distingué, de la fortune et surtout beaucoup d’audace.

M. de Montesquieu achevait à peine sa lecture, lorsque la duchesse de Boufflers arriva accompagnée du duc de Luxembourg, du prince de Rohan et de M. de Fimarcon. Ce furent des exclamations sur le bonheur de la voir, des reproches sur ce qu’elle arrivait si tard ; enfin, la femme la plus justement considérée n’aurait pas été reçue avec plus d’empressement et de déférences. C’était à qui lui offrirait sa place ou se dérangerait pour lui en faire une. Il est vrai que pendant qu’elle était l’objet de tant de prévenances, quelques personnes racontaient tout bas sa dernière aventure.

— Oui, disait le prince de Craon, Fimarcon a passé quatre jours chez elle en habit de livrée, faisant le métier de laquais toute la journée, pour en faire un plus doux ensuite.

— Vous en êtes encore là ? disait le comte de Tressant. vous oubliez le chevalier de Pons, et tant d’autres que le bon duc de Luxembourg voit sans le croire.

— Vraiment elle serait bien dupe de se rien refuser en ce genre, dit M. de Chavigny, puisque cela ne lui fait aucun tort. Voyez comme on la choie, comme on la flatte.

— Je le crois bien, elle est méchante comme un diable. On la craint.

— Et puis elle est spirituelle, dit un autre ; elle amuse ceux qui la redoutent le plus.

— Régner par la terreur et le plaisir ! avec cette double puissance on asservirait la terre entière ; et je ne m’étonne plus de l’empire qu’elle exerce parmi nous.

— Elle en a moins à la cour. La reine la déteste ; elle ne lui a point pardonné sa réponse à propos de la fête de Petit-Bourg.

— Oui ! lorsque la reine lui a dit en plaisantant :

» — On prétend que, chez la princesse de Bourbon, vous avez beaucoup lorgné le roi, n’est-ce pas ?

» — Votre Majesté est mal instruite : c’est le roi qui m’a beaucoup lorgnée, a répondu madame de Boufflers ; et cela a été mal pris.

— Je le sais de bonne part ; lorsqu’on a répété cette réponse au roi, il a rendu justice à l’esprit de madame de