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première fête qu’on y donnait depuis la mort de madame de Vintimille. Mais cette victoire, remportée sur les Autrichiens, devait ménager un point d’appui ou de refuge pour l’armée française enfermée dans Prague, et, quoique d’un assez faillie avantage, on voulait paraître y attacher l’importance d’an l’ait éclatant. Criait faire sa cour que de s’en réjouir hautement, et l’on ne pouvait se dispenser de se montrer à cette fête sans se laisser accuser d’indifférence pour la gloire du pays.

Madame de la Tournelle venait de voir finir son deuil ; elle avait commandé un habit de cour, simple, mais d’une élégance extrême, et que la beauté de sa taille devait rendre encore plus remarquable ; comme elle ne l’avait point essayé, elle voulut commencer de bonne heure à s’habiller pour ne pas faire attendre madame de Flavacourt, qui devait venir la prendre, et elle passa dans son cabinet de toilette.

Tout était préparé : la robe de velours bleu de ciel aux bouffettes d’argent, l’aigrette de turquoises et les barbes de dentelle. Mais, en soulevant la mousseline doublée de taffetas rose qui encadre le miroir de sa toilette, elle aperçoit une corbeille brodée en perles et en chenille de couleur ; elle l’ouvre, impatiente de savoir ce qu’elle renferme : c’est un bouquet d’héliotropes… Pas un mot d’écrit, nul indice n’apprend de quelle part il vient. La marquise sonne, et sa femme de chambre est questionnée sur cet envoi, qu’on présume lui avoir été remis.

Mademoiselle Hébert, dont l’attachement pour sa maitresse a été plus d’une fois mis à l’épreuve, ne voudrait pas la tromper. Mais elle ne sait pas plus qu’elle par qui cette jolie corbeille a été déposée sur la toilette ; elle va s’en enquérir, et parle déjà de faire subir un interrogatoire dans les formes à toute l’aile gauche du château. Madame de la Tournelle, redoutant le bruit qui peut naître de ce grand zèle de sa femme de chambre, lui défend de faire aucune démarche à ce sujet. Elle prétend avoir la certitude que ce bouquet lui vient de la princesse de Conti ; mademoiselle Hébert renonce à regret au plaisir de traiter l’affaire avec importance : mais elle se promet bien, tout en obéissant à sa maîtresse, de chercher à percer ce mystère.

Pendant que le coiffeur de la reine achève de coiffer madame de la Tournelle, mademoiselle Hébert va s’informer,