Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’aspect de cette chapelle resplendissante, remplie de tout ce qu’il avait de plus brillant en France et dont les voûtes dorées retentissaient des chants sacrés les plus harmonieux ; la vue plus imposante encore du pouvoir terrestre prosterné devant la puissance suprême : cette égalité que la religion établit entre tous ceux qui prient ; cet oubli momentané de la vie mondaine pour ne penser qu’à la vie de l’âme ; enfin cet ensemble pompeux et mystique ajoutait encore à l’exaltation des sentiments de madame de la Tournelle.

En voyant Louis XV agenouillé sous la grande image de Charlemagne[1], en face de celle qui représentait saint Louis, elle se sentait atteinte pour lui d’une jalousie de gloire qui dévorait son cœur.

— Eh quoi ! jeune, si beau, si brave, ou l’enchaîne au milieu de cette cour, plutôt que de le laisser commander ceux qui se battent en ce moment pour lui ! il n’est pas une voix qui lui crie : La France est en péril, les rois en personne s’arment contre elle. Une reine[2], une femme donne à l’Europe l’exemple du courage, tous marchent en tête de leurs armées. Vous seul laissez, à vos généraux le soin de défendre, de sauver la patrie ; et pourtant le cœur de Louis XV est digne de comprendre ses devoirs : il est exempt de crainte, il sait se faire aimer, il conduirait ses sujets par l’amour à la victoire. Ah ! que ne peut-il entendre ce cri de mon âme qui l’appelle où l’honneur a marqué sa place ; que ne peut-il confondre l’hypocrite qui lui parle au nom du ciel pour lui défendre de s’illustrer, qui ferait voiler, s’il l’osait, l’image de ses aïeux triomphants, pour éteindre en lui tout souvenir de gloire ! Ô mon Dieu ! ajouta-t-elle, en priant d’une double ferveur, relève cette âme noble et courageuse ; délivre cet esprit enchaîné par les vie l’entourent, laisse parvenir à ce regard si puissant ta lumière divine ; et, pour prix d’un si grand bienfait, j’offre le sacrifice de mon bonheur et de ma vie !

Cependant l’office s’achève sans qu’elle ait osé lever les

  1. Aux deux extrémités de la chapelle sont, du côté de la tribune du roi, le portrait de Charlemagne ; du côté du sanctuaire, celui de saint Louis.
  2. Marie-Thérèse.