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où on a réduit la reine ; savez-vous ce que le roi lui a répondu dernièrement, quand elle a été se plaindre à lui du refus que le cardinal venait de lui faire, d’accorder à M. de Nangis une légère grâce ?

» Il lui a dit :

» — Faites comme moi, ne lui demandez jamais rien.

» Et chacun rit de ce bon mot, où se peint si bien toute la naïveté d’une soumission sans bornes.

— À propos de bon mots, vous a-t-on répété celui de Souvré ? demanda le duc de Richelieu ; on dit que le vieux gouverneur en est resté tout ébahi. Sauf respect pour messieurs de la finance, ajouta le duc en regardant M. Duverney, on reprochait au cardinal sa singulière protection pour les fermiers généraux ; on lui démontrait ce qu’ils gagnaient sur l’État, et la nécessité de réduire leurs bénéfices ; le vieil entêté, sachant ces messieurs appuyés par l’argent, s’évertuait à répéter que les fermiers généraux étaient les soutiens de l’État.

» — Oui, répondit Souvré, mais c’est comme la corde soutient le pendu.

Le financier Duverney[1] lui-même trouva la réponse excellente, et la conversation, détournée par cette plaisanterie, ne revint plus à des sujets sérieux. C’est ainsi que l’esprit et la gaieté faisaient alors tout oublier, même les malheurs inévitables qui menaçaient les rieurs.



VII

LA CHAISE À PORTEURS


Dans le courant de cette année, déjà marquée par tant d’événements pénibles pour madame de la Tournelle, elle fut cruellement frappée dans ses affections et dans son

  1. L’un des quatre frères Paris, qui rendirent de grands services au gouvernement après les désastres du système de Law. Paris-Montmartel était garde du trésor royal ; Paris-Duverney avait l’entreprise des vivres. Ce dernier avait beaucoup contribué au mariage de Louis XV avec la fille de Stanislas. Il jouissait d’un grand crédit à la cour et d’une immense fortune.