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à la pensée si douce de ranimer l’amour du bien, du glorieux dans cette âme assoupie, elle retombait dans le découragement en réfléchissant aux obstacles qu’opposait à ce dessein l’habitude des plaisirs faciles, des approbations trompeuses, et de cette incurie des affaires de l’État qui semblait impossible à vaincre. Puis, après avoir déploré une telle impuissance, elle s’en félicitait par l’idée que l’espérance de réhabiliter ce cœur royal était l’unique séduction qu’elle eût à craindre.

Le duc d’Agenois lui écrivait de l’année des lettres passionnées, auxquelles elle répondait le plus affectueusement qu’il lui était possible ; et c’était justement ces phrases amicales, ce non mystère, pour ainsi dire, répandu sur chacune de ses expressions, l’exagération de ces mots flatteurs qui démontraient la froideur de ses sentiments pour lui. Un jour, on lui remit une lettre de M. d’Agenois, si mal cachetée, qu’il était facile de voir qu’elle avait été ouverte. Elle se plaignit de cet abus de confiance à M. de Chavigny, vieil ami de sa famille, et à plusieurs personnes qui se trouvaient chez elle. On sourit de son indignation, et M. Paris-Duvernay lui dit que, de tous les moyens de savoir ce qui se passe, celui d’ouvrir les lettres à la poste ayant toujours paru le plus certain, on n’en perdrait pas de si tôt l’habitude.

— C’est déjà fort déloyal en affaires politiques, répondit madame de la Tournelle ; mais cela paraît une infamie inutile en relations ordinaires. Que peut faire au gouvernement, je vous le demande, ce qu’un ami m’écrit sur ses démarches les plus simples ou sur ses sentiments intimes ? N’est-il pas misérable d’entrer ainsi dans le secret des familles, quand rien ne motive une mesure semblable, quand vous ne pouvez être soupçonné de conspirations ou de crimes !

— Qu’est-ce qui s’inquiète de ces vieux intérêts-là ? dit le comte de Noailles ; ils sont passés de mode ; aussi ceux qui s’en mêlent encore sont-ils sûrs de l’impunité ; mais savoir en quels termes on parle d’amour à une jolie femme. comment elle répond à une déclaration passionnée ; ce qu’elle refuse, ce qu’elle accorde, c’est un roman fort amusant à suivre, et, quand on y joue un rôle, l’intérêt est au comble.