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tout danger ; nul malheur ne saurait t’atteindre sur mon cœur.

— Vaine assurance ! ils marchent toujours vers moi. Vois-tu cette croix noire qui se balance dans les airs, ces ornements de deuil ? Entends-tu ces chants funèbres ?… c’est le repos de mon âme, c’est le pardon de mon amour qu’ils demandent à Dieu !… c’est le supplice éternel qu’ils m’annoncent, empêche-les de me saisir… dis-leur de m’épargner. Ah ! grâce ! grâce ! refermez ce cercueil… que je le serre encore une fois sur mon cœur.

En répétant ces mots, elle retomba presque inanimée dans les bras du roi.

— Grand Dieu ! s’écria-t-il, le malheur a troublé sa raison ! Marianne, reviens à toi ; ah ! ne me livre pas à cette affreuse inquiétude !

Madame de Châteauroux reprend ses esprits aux accents de cette voix chérie ; elle passe sa main sur les yeux de Louis, y recueille une larme, et veut le rassurer en disant :

— C’est une vision affreuse qui a frappé mon imagination ; je ne me pardonne pas l’effroi qu’elle vous a causé ! Mais j’ai tant pleuré ce bonheur ! j’ai si peur de le perdre encore ! Ma tête succombe sous le poids d’impressions si cruelles et si délirantes ! je ne sais quel effroi me glace au moment de nous séparer !

— Eh bien, suis-moi… ne nous quittons plus ;… mais non, ce n’est point ainsi que tu dois reparaître à la cour. Ta fierté, la mienne exigent que la justice autant que l’amour t’y rappellent. Cette détermination ne doit pas être l’effet du délire ; l’offense a été publique, scandaleuse, il faut que la réparation soit grave et éclatante. Dans peu d’heures, ceux qui ont bravé la duchesse de Châteauroux viendront ici demander son retour ; et ce soir même elle reviendra à Versailles. D’ici là, cher ange, calme-toi, ajouta le roi avec inquiétude, car la fièvre brillait dans les yeux de l’heureuse Marianne ; songe que ta vie est tout pour moi ; chasse un moment des souvenirs trop doux, trop vifs pour ne pas l’agiter. Ne pense qu’au plaisir sérieux de te voir vengée et honorée, de voir tes ennemis à la merci de ta clémence.

— Adieu, répondi-t-elle d’un accent douloureux.

— Ah ! ne sois plus triste, reprit le roi en la serrant sur son cœur, dis que je te laisse heureuse.