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contre toi ; je te voyais la proie de sa fureur. C’est à ce tableau sinistre, sans cesse devant nies veux, que j’ai dû le courage de te laisser souffrir. Mais il fallait conquérir l’amour de ce peuple pour l’éclairer sur toi ; il fallait mériter son estime pour oser lui dire : Cette estime, cet amour que j’obtiens aujourd’hui, c’est à elle, à ses conseils, à son dévouement que je les dois. Rendez-lui justice, tombez avec moi a ses pieds, car c’est l’ange sauveur de la France ! Il est des paroles pour peindre toutes les douleurs ; mais l’excès du bonheur est si rare, qu’on manque d’expressions pour en donner l’idée. Après quatre mois d’absence, de larmes, livrée à l’abandon, à la certitude de n’être plus aimée ; passer de la mort à toutes les félicités d’une résurrection céleste ; retrouver dans l’amour qu’on pleurait de nouveaux trésors de tendresse, une passion éprouvée par le malheur, un délire excité par le regret, (pie de motifs d’exaltation pour madame de Châteauroux !

— Non, je n’ai rien souffert, répétait-elle, en inclinant sa tête sur le sein du roi. Ce moment acquitterait une éternité de peines, bonis m’aime encore ! sa vie, sa gloire, son amour, le ciel ne m’a-t-il pas accordé tout ce que je demandais ? Ah ! que j’ai peur de la mort aujourd’hui ! Mon Dieu, faites que je résiste à tant de joie !

— Bannis ces tristes idées, cher ange ; oui, tu vivras pour éterniser mon bonheur, pour te voir rendre tout ce qui t’est dû, pour partager avec moi la puissance, et cet amour du peuple qui est ton ouvrage. Déjà tout est disposé à Versailles pour recevoir la dame du palais, la surintendante de madame la Dauphine, enfin madame la duchesse de Châteauroux.

— Non, plus de ces faveurs, de ces places qui excitent l’envie : elles m’ont trop coûté ! L’amour de bonis, cet amour qui vaut à lui seul tous les biens de la terre, est l’unique trésor que je veuille conserver. Ici, cachée dans un coin de cette grande ville, je vivrai pour attendre l’heure qu’il me donnera ; j’irai, s’il le faut, habiter une cabane des bois de Satory pour être plus rapprochée de lui, pour l’entendre plus souvent ; mais revoir mes bourreaux, m’exposer de nouveau à me voir arracher par eux d’auprès de tout ce que j’aime ! non, je n’en aurais pus le courage.

— Vous ne les verrez plus, dit le roi, l’évêque de Sois-