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bonheur qu’elle attend. Ce moment Je calme, elle en fait un présage. Il a quitté Versailles, pense-t-elle, plus de doute. Je vais le voir, je le sens à la douce quiétude qui s’empare de mon âme… Non, ce n’est point l’accablement, suite d’une trop longue torture…, c’est la confiance calme et douce de l’innocent condamné, qui attend sa délivrance ; c’est l’aspect du soleil pour des yeux depuis longtemps aveuglés par la foudre.

Ô supériorité d’une véritable passion sur cet amour vulgaire dont l’intérêt, la vanité, sont si souvent la cause et le soutien ! Dans cette rêverie de vingt-quatre heures, où tant d’idées, d’orgueil, de vengeance pouvaient trouver place, madame de Châteauroux n’a qu’une pensée : revoir celui qu’elle aime. Son avenir ne va pas au delà. Toute son existence est concentrée dans la marche des aiguilles de sa pendule, dans l’horloge de l’église de Saint-Thomas, dont la cloche vient de sonner onze heures. Alors les battants de la grande porte crient sur leurs gonds, un carrosse entre dans la cour. Madame de Châteauroux devrait se lever pour aller au-devant de celui qui arrive, elle n’en a ni la force ni la puissance, ni l’envie ; elle est trop émue ; et puis le revoir devant témoins ! quelle profanation ! L’excès de sa joie est tel, que, pour n’y pas succomber, elle cherche à la contenir par un doute : si ce n’était pas lui !

Mais le roi est à ses pieds ; il les couvre de baisers et de larmes.

— Est-il bien vrai ? tu m’aimes ? s’écrie-t-il, tu me pardonnes ? Ah ! oui, tu as deviné qu’il fallait être mort pour te laisser traiter ainsi ! Ton cœur te dit que le mien n’a pas cessé d’être à toi… à toi à qui je dois tout, gloire, bonheur… Ah ! réponds-moi… répète que tu me pardonnes les horribles chagrins que je t’ai causés…

— Je ne m’en souviens plus.

Et ces mots étaient accompagnés d’un sourire céleste.

— Moi, je m’en souviendrai pour l’en consoler sans cesse ! Ah ! le ciel m’est témoin que sans la crainte de te rendre victime de leur rage, il y a longtemps que je t’aurais rappelée sur ce cœur qui t’adore : mais une horrible pensée me glaçait de terreur. Retenu à l’armée, je ne pouvais te protéger par ma présence contre les mêmes dangers qui avaient menacé ta vie. Je voyais nos ennemis ameuter le peuple