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Quelques gouttes d’élixir dissipèrent bientôt son oppression, et lui rendirent ses forces : alors seulement elle s’aperçut que Lebcl la contemplait d’un air attendri :

— J’ai bien souffert, n’est-ce pas ?

— Le roi aussi, madame ; je suis le seul au monde qui sacbe les chagrins qu’il dévore depuis sa maladie : il avait beau vouloir me les cacher comme aux autres ; je surprenais chaque jour quelques nouvelles marques de sa profonde tristesse ; et pourtant l’on sait les triomphes, les fêtes, les acclamations qui lui ont été prodigués ! Mais j’oublie qu’il m’attend avec impatience : si madame la duchesse voulait…

— Oui, repartez bien vite, dit madame de Chàteauroux, en faisant signe à mademoiselle Hébert de lui donner de quoi écrire.

« au roi,

» Ce pardon, il est là sur mon cœur, il vous attend, depuis cet affreux jour où… Mais je vous verrai demain : tant de bonheur efface tout.

» LA DUCHESSE DE CHATEAUROUX. »

— Veillez à ce que le roi ne soit rencontré de personne, dit Lebel à mademoiselle Hébert, pendant que madame de Chàteauroux cachetait sa réponse ; il ne pourra sans doute partir de Versailles qu’à l’heure du jeu de la reine : il sera ici vers dix heures.

— Soyez tranquille ; madame la duchesse de Lauraguais est depuis plusieurs jours chez la duchesse de Brancas, elle n’en reviendra qu’après-demain. L’ordre sera donné pour qu’on ne laisse entrer qu’un seul carrosse dans la cour.

— Demain, répéta madame de Chàteauroux après le. départ de Lebel ; je le verrai demain !… je crois rêver… Il semble que mon cœur bat trop vite pour aller jusque-là… C’en est trop pour ma raison… pour ma vie peut-être… Ah ! si c’était une dérision du ciel… si tant de joie ne m’était offerte que comme un piège ?… si quelque obstacle… l’adresse de Maurepas… les menaces du grand aumônier… si ses craintes… sa faiblesse allaient le détourner ?… Mais ces mots écrits de sa main… cet appel à mon cœur… ce n’est point une illusion !… Il me demande grâce… il m’aime encore… Ah ! je ne croirai à ce bienfait du ciel que lorsque