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tuait leur maître (c’est leur expression), disaient : « Notre bon maître va donner son royaume à M. de Fitz-James, s’il le lui demande pour son salut[1] ! »

» Avant d’appliquer les saintes huiles, l’évêque de Soissons tenu ce discours : « Messieurs les princes du sang, et vous grands du royaume, le roi nous charge, monseigneur l’évêque de Metz et moi, de vous faire part du repentir sincère qu’il a causé dans son royaume, en vivant comme il l’a fait avec madame de Châteauroux ; il en demande pardon à Dieu[2]. »

» À peine la cérémonie sinistre accomplie, les symptômes de mort succédèrent rapidement. Le 15, à six heures du matin, on appela les princes pour assister aux prières des agonisants, qui durèrent jusqu’à midi. D’Argenson lit emballer ses papiers, le duc de Chartres lit atteler sa chaise de poste pour se rendre à l’armée du Rhin ; les médecins, les courtisans se retirèrent. C’est alors qu’ayant entendu parler à M. Leroi-du-Gué d’un ancien chirurgien-major du régiment d’Alsace, qui faisait, dit-on, des miracles, je proposai à Lebel de l’introduire dans la chambre du roi. Le malade avait les yeux fermés, le pouls presque insensible ; on dit au chirurgien qu’il succombe aux suites d’une inflammation d’entrailles : — Il n’y a point d’inflammation, répond le chirurgien, j’espère le sauver. À ces mots, comme par l’effet d’un enchantement, le roi ouvre les yeux, demande quel est cet homme, lui fait signe de le palper encore, le chirurgien répète que L’estomac est sain, et dit au roi qu’il répond de sa vie. La-dessus, il lui fait avaler une forte dose d’émétiqqe, et le soir même on criait partout : « le roi est sauvé[3]. »

» La reine est arrivée pour jouir de cette résurrection ; elle a été fort bien reçue. Les prêtres, protégés par elle, recommencent leurs Intrigues, et l’état de faiblesse où le mi sera longtemps après une si cruelle maladie leur promet de nombreux succès ; mais ils feront bien de mettre à profit ces moments de terreur et d’atonie, car

  1. Mémoires de Richelieu, tome VII, page 35.
  2. Vie de Louis XV. (Relation de la maladie de Louis XV. Manuscrits de la bibliothèque.
  3. Relation de la maladie de Louis XV, à Metz. Manuscrits de la bibliothèque royale.