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d’en deviner la véritable cause ; mais madame de Mazarin, qu’on ne pouvait se dispenser de consulter sur un semblable parti, le désapprouva nettement : elle prétendit que, pour déconcerter les menées des ennemis de M. d’Agenois, il fallait s’assurer la protection de la reine, dont le crédit était plus grand qu’on ne le croyait. En conséquence, elle décida de sa propre autorité que ses pièces l’accompagneraient dès le lendemain au jeu de la reine, où elle les ferait inviter, persuadée que cette princesse ne pourrait les voir souvent sans prendre à elles le plus vif intérêt.

Depuis la mort de madame de Vintimille, le roi n’avait point paru à ces grandes réunions chez la reine ; et l’on ne pensait pas qu’il dût y venir ce soir-là. On parlait même d’un prochain voyage de Choisy, en madame de Mailly espérait reprendre tons ses droits. Ce bruit avait ramené le calme dans le cœur de madame de la Tournelle ; et ce fut sans la moindre émotion de crainte ou d’espoir qu’elle se laissa parer avec soin pour se montrer convenablement à la cour et pour braver les regards scrutateurs de ce peuple de malveillants.

Cependant elle n’eut pas à s’en plaindre ; l’éclat de son teint, que relevait encore sa robe de deuil, ses yeux si beaux dont un sentiment de timidité augmentait encore le charme, ses cheveux blonds retenus par des nœuds de jais noir, sa parure de bon goût que l’absence des diamants obligés rendait encore plus remarquable, enfin un ensemble si parfait avait excité l’admiration des plus récalcitrants ; et l’on ne parlait que de sa beauté, de sa tournure imposante et gracieuse, lorsque ces mots : « Le roi ! » prononcés à hauts voix par les huissiers de la chambre, vinrent retentir au cœur de madame de la Tournelle.

Par un mouvement dont elle ne fut pas maîtresse, elle se retira derrière madame de Flavacourt, espérant se perdre dans le groupe de femmes qui se tenaient à distance de la reine. Mais elle y fut bientôt reconnue par le comte de Noailles et par le duc de Richelieu, qui suivaient tous deux le roi. Croyant tout le monde occupé de l’accueil que la reine allait faire à son auguste infidèle, elle examina Louis XV à son tour, et ne put, se défendre d’admirer ses traits nobles et doux, sa taille, sa démarche et jusqu’à cet air ennuyé qui sied si bien à la grandeur. La voix de M. de