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inquiétude. Enfin le danger du roi se répand à Paris au milieu de la nuit ; on se relève, tout le monde court en tumulte : on assiège les maisons desgens en place pour avoir des nouvelles, ou s’assemble dans les carrefours. Le peuple s’écrie : S’il meurt, c’est pour avoir marche à notre secours. Enfin, dans plusieurs églises, les prières pour la santé du roi, sont interrompues par les pleurs du prêtre, et lui répond par ses cris[1]. « Les courtisans ne sont pas comme le peuple, dit un philosophe du temps, le péril de Louis XV fit naître parmi eux plus d’intrigues et de cabales qu’on en vil autrefois quand Louis XIV fut sur le point de mourir à Calais. »

Le roi avait envoyé le maréchal de Xoailles commander à sa place ; c’est au moment où la maladie semblait l’accabler qu’il dit à M. d’Argenson ces paroles mémorables :

« Écrivez de ma part au maréchal de Noailles que, pendant qu’on portait Louis XII au tombeau, le prince de Condé gagna une bataille. »

Les médecins attribuaient la maladie du roi aux fatigues de la campagne, et surtout à une longue marche où le soleil, dardant sur sa tête, avait enflammé son sang. Mais le peuple, Fomenté parles ennemis de madame de Châteauroux, y donnait une autre cause ; et les prêtres, à l’imitation des oracles de l’antiquité, criaient d’un air inspiré que ce fléau tombé sur le roi au milieu de sa gloire, était la punition d’un commerce adultère : que Louis XV ne renaîtrait à la vie qu’en faisant au Ciel le sacrifice de son amour.

Le duc de Richelieu, que ces clameurs faisaient trembler pour son amie, tâchait de les lui laisser ignorer, en empêchant tout le monde de pénétrer dans la chambre du roi ; hormis les médecins et les gens de service.

Les princes du sang écartés du roi, et les grands officiers de la couronne privés par là des prérogatives de leurs charges, se réunirent alors dans l’antichambre du roi, et formèrent un parti. Les ducs de Bouillon, de la Rochefoucauld de Villeroi et le père Perusseau, jésuite et confesseur du roi, se mirent à la tête de ce parti. Un résolut de faciliter les approches du confesseur, que les favoris te-

  1. Voltaire. Siècle de Louis XV. — Lacretelle. Histoire des Bourbons.