Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/252

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Quel bonheur ! crièrent-ils en courant tous vers le village.

— Voilà un bienfait cruel, dit madame de Châteauroux, je plains de tout mon cœur ces pauvres moins aimées.

— Cela m’est égal, dit le roi, je ne pense aujourd’hui qu’à ce qui vous ressemble.

La duchesse serra le bras de Louis contre son sein : c’était répondre.

Avant de rentrer au château, le roi parla du soldat aux gardes, des oracles de sa mère, et inspira à madame de Châteauroux le désir d’entendre les prédictions de cette femme.

— Elle sera ici dans la soirée, dit le roi, c’est Lebel qui l’introduira secrètement chez lui : nous nous y rendrons par le petit escalier de la chapelle ; vous, avec le mantelet et le capuchon de mademoiselle Hébert, moi en redingote ; nous passerons pour des gens de service qui viennent se faire tirer les cartes, avant qu’elle ne dise la bonne aventure au roi, et elle se méfiera d’autant moins de la ruse, que nous consentirons à ce qu’elle nous laisse au milieu de ses prédictions, si le roi la demande : ce sera fort amusant ; vous passerez pour ma sœur, autrement elle n’oserait parler franchement d’amour et d’infidélité, et je suis bien aise de savoir mon avenir en ce genre.

— Il vous inquiète peu, je pense ; le mien est moins rassurant : aussi ai-je quelque crainte de le connaître.

— Si cela vous déplaît le moins du monde, ne consultez pas la sorcière. On a beau ne pas avoir confiance en ces sortes d’oracles, ils peuvent troubler l’esprit.

— Non, je serai bien aise de l’entendre, puisqu’elle prédit à son fils tant de belles choses pour vous. Avec un cœur tel que le mien, on a toujours l’esprit faible, et quand elle m’aura parlé de vos succès, de votre bonheur, je sens que je serai plus tranquille.

— D’abord je lui ferai recommander par Lebel de ne point prononcer le mot mort, cela cause toujours une fâcheuse impression.

— Si c’est ainsi, dites-lui de ne point parler du jour où vous cesserez de…

— Taisez-vous, interrompit le roi ; le Ciel punit le blasphème.