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coup le plaisir qu’elle goûtait à Choisy ; alors Louis XV fit venir le contrôleur général, lui demanda ce qu’il en coûterait pour renouveler le mobilier entier du château de Choisy, et M. Orry, en ministre courtisan, répondit qu’il avait mis depuis longtemps des fonds en réserve pour cette dépense. Alors le roi ordonna que tous les appartements de Choisy fussent remis à neuf, et cela dans le plus court délai

M. Orry, qui avait échoué dans toutes les offres d’affaires et d’argent faites par lui à madame de Châteauroux, saisit avec empressement l’occasion de faire une chose qui lui fût agréable. Mais on garda le secret des embellissements de Choisy jusqu’au jour où le roi devait y conduire madame de Châteauroux.

Avec quelle reconnaissance elle admira cet élégant château décoré pour elle ! ces fauteuils recouverts des plus belles étoffes de la Chine ; ces anciens meubles de Boule mêlés aux sculptures dorées, aux cuivres émaillés dont la mode revient aujourd’hui, et ce cabinet de tableaux si bien choisis, où se trouvaient jusqu’aux ouvrages des peintres modernes quelle se plaisait à encourager ! Quels sentiments de bonheur et de tristesse se partageaient son cœur en recevant tant de témoignages d’une affection si soigneuses de plaire !

Mais ce château, témoin de sa félicité, ce maître qui en rendait le séjour délicieux, elle allait les quitter peut-être pour longtemps, peut-être pour toujours !… Souvent, au milieu du souper le plus animé, cette pensée pesait sur son cœur ; des larmes brillaient dans ses yeux, et le roi, à qui la gaieté des convives et L’intérêt de la conversation ne faisaient point perdre le moindre mouvement de madame de Châteauroux, lui prenait la main en disant :

— Du courage ! vous l’avez voulu ; ce que vous désirez ne saurait être malheureux. Nous nous reverrons bientôt.

— Sans cet espoir, que deviendrais-je ? répondit-elle en levant ses beaux yeux vers le ciel.

Et les courtisans se disaient, en surprenant les larmes qu’elle s’efforçait en vain de cacher :

— Si elle pleure ainsi, le roi n’aura pas le courage de s’en séparer, et pourtant elle ne saurait le suivre, cela produirait un mauvais effet.

— Sans doute, répondait-on, mais vous verrez qu’elle