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verons à ce moment tant désiré par madame de Châteauroux, où elle écrivait au duc de Richelieu :

« Je ne puis trop me hâter, cher oncle, de vous mander que le roi est décidé à faire la campagne prochaine. Il vient de me le promettre, et je puis vous assurer que rien au monde ne peut me faire un plus grand plaisir. Vous savez que j’aime à déraisonner ; et dans ce moment je repais mon imagination de l’avenir le plus brillant ; je vois le roi couvert de gloire, adoré de ses sujets et craint de ses ennemis, Je crois que la présence du maître doit faire beaucoup, et qu’elle vaudra une armée de plus. Le maréchal de Noailles commandera toujours. Il y aura deux armées, l’une à ses ordres, l’autre à ceux, du comte de Saxe[1], dont on espère infiniment.

« Sa Majesté aura très-peu de suite, et cela sera bien moins dispendieux. Vous penserez comme moi que le plus beau cortège d’un roi de France est une armée victorieuse. J’espère que les succès lui feront connaître combien j’aime véritablement sa gloire. Le cardinal a jusqu’ici régné pour lui : il est temps qu’il fasse voir qu’il peut régner lui-même. Je ne m’aveugle point en lui donnant les qualités nécessaires pour gouverner. Je ne crains que sa trop grande confiance en ses ministres. Il juge mieux qu’eux, j’en suis sûre. et il a la bonté de déférer souvent à leurs avis, qui valent moi us que le sien. Il m’a demandé avec toute l’amitié possible si je n’avais rien à solliciter pour vous ; vous jugez bien que ma réponse a été que je m’en rapportais à ses bontés : la dessus il ma dit qu’il vous ferait un de ses ailles de camp, et lieutenant général. Vous pensez, cher oncle, que j’ai eu autant de plaisir a l’apprendre que j’en ai à vous le mander.

» M. d’Argenson est venu me voir et m’a parlé de la campagne prochaine d’une manière à nie faire connaître que le roi ne s’est point expliqué sur ses projets. Je me suis bien gardée de faire voir au ministre qu’il se trompait dans tout ce qu’il disait : il serait bien fâché de me savoir si bien instruite avant lui, dans l’habitude où il est de faire faire au roi, ainsi que ses collègues, ce qu’il jugea propos. Il est même nécessaire que le roi ne déclare sa volonté qu’au moment où elle ne pourra plus être contrariée.

  1. Devenu depuis si célèbre comme maréchal de France.