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hommage à la femme qu’il aime ; offrant lui-même l’exemple d’une admiration respectueuse, d’une estime honorable, que de motifs pour troubler la raison !

Celle de madame de Châteauroux résista cependant à tant de pièges d’amour-propre, elle resta simple et digne au milieu de tous les enchantements de la flatterie, de la magnificence et du pouvoir ; il y avait dans son aspect quelque chose d’imposant et de doux qui déconcertait le mépris, et désarmait la malveillance. Cette sorte de fascination, le Dauphin l’éprouva. Élevé par un prêtre dans la haine de la favorite, regardée par lui comme l’ennemie de la reine, il ne manquait pas une occasion de manifester son ressentiment à madame de Châteauroux. On prétend même que, s’étant laissé aller, en enfant qu’il était encore, jusqu’à lui faire la grimace, il avait été vivement grondé par sa mère. Eh bien, lorsque madame de Châteauroux vint le saluer, il fut tellement frappé de sa beauté, de la noblesse de sa démarche, de l’expression calme et fière qui régnait sur son visage, qu’il oublia ses préventions et lui adressa même quelques mots de politesse.

Ces mots lui valurent le soir même le bonheur d’être tendrement embrassé par son père, et le don d’un équipage de chasse qu’il désirait depuis longtemps.

Enfin, quitte de toutes ses révérences, la duchesse de Châteauroux rentra chez elle, heureuse de pouvoir se livrer à tous les plaisirs de l’intimité, après avoir satisfait aux fatigants devoirs de la représentation. Elle s’apprêtait à ôter ses diamants et son habit de cour, brodé d’or et de perles ; mais sa sœur s’y opposa.

— Vous avez l’air, la parure, la beauté d’une reine, dit madame de Lauraguais, le roi va venir : c’est à lui maintenant à vous rendre hommage. Je veux bien lui faire l’honneur de vous le présenter ; mais il vous rendra vos trois saluts ; sinon, point de souper ce soir dans les cabinets, point de voyage demain à Fontainebleau ; il faut savoir tenir son rang, ajouta la duchesse en riant comme une folle, puisque le roi a voulu que vous fussiez assise devant lui, il faut que Louis XV soit à genoux devant vous, c’est indispensable.

— Rien de si juste, dit le roi qui attendait à la porte du salon la fin du discours plaisant de la duchesse de Lauraguais, et me voici prêt à me laisser présenter par vous.