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prévenue de toutes les précautions qu’il fallait prendre : les ordres sont donnés, il ne sera servi à madame que les plats apprêtés par les cuisiniers du roi ; des valets de pieds se relaieront à la porte de l’appartement de madame pour empêcher qu’il ne s’y introduise furtivement personne car M. Lebel prétend que, s’il vous arrivait malheur, le roi en mourrait de chagrin ; il soupçonne les moyens dont on s’est servi contre la malheureuse comtesse, contre son directeur, et assure qu’il saura bien les empêcher de commettre un nouveau crime.

— Mais ce crime n’a pas été prouvé ?…

— Ah ! madame, la mort subite du confesseur est une preuve satisfaisante ; Lebel n’a aucun doute à cet égard : c’est ce qui l’a déterminé à m’instruire de ce que nous aurons à craindre. Je ne vous en parle que pour que vous soyez aussi prudente que nous.

— Peu m’importe ! ces soins vous regardent tous deux, je ne saurais m’en occuper ; en me dévouant au roi, je fais le sacrifice de ma vie ; je ne demande à ceux qui la veulent que de me laisser le temps d’accomplir mon vœu, que de rendre au roi sa puissance.

— Je le savais bien, s’écria fièrement mademoiselle Hébert, que madame ne pouvait être guidée que par un dessein louable, par les meilleurs sentiments. On verra la différence de son règne avec celui des autres : car vous régnerez, madame, oui, vous régnerez par le courage, par toutes les qualités que je vous connais : par vos conseils, le roi changera sa vie indolente, il ne perdra plus son temps dans les plaisirs, on parlera d’autre chose que de ses petits soupers, et nous vous devrons d’avoir un roi comme il en faut un à la France.

— Puissiez-vous dire vrai, ma chère mademoiselle Hébert ! mais, que je réussisse ou non dans ce vœu que je forme, Songez que vous me serez également utile, et que, quel que soit mon sort, je trouverai toujours une vraie consolation dans la pensée que nous ne nous séparerons jamais.

À ces mots, mademoiselle Hébert baisa la main de sa maîtresse, la baigna des larmes de l’attendrissement, et sortit en répétant :

— Moi, vous quitter !… ah ! madame… jamais.